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Expérience insolite: à la rencontre des Bakhtiaris, derniers nomades d’Iran

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Déjà un mois en Iran. Le visa venait d’être étendu, nous venions de vivre notre première tempête de sable… Dans la catégorie « surprise », on ne pouvait pas faire mieux. Enfin, si: en ouvrant notre boîte mail, le même jour, nous étions tombés sur l’intrigant message de Saba « Partez à la rencontre des Bakhtiaris, les derniers nomades d’Iran ». Piqués par la curiosité, nous n’avons pas tardé à lui répondre… 


Les Bakhtiaris

Les Bakhtiaris, tribu nomade composée de plusieurs familles, se déplacent toujours dans les montagnes du Zagros, en Iran, au rythme des migrations qu’ils effectuent deux fois par an (printemps et automne) avec leurs troupeaux de chèvres et moutons. Leur mode de vie est aujourd’hui en grand danger: les décisions politiques, la précarité et les difficultés poussent de plus en plus de nomades à se sédentariser. Saba nous explique qu’une des pistes envisagées pour aider économiquement ces nomades est le développement d’un éco-tourisme. Au-delà du côté financier (qui ne doit pas remplacer la première source de revenus de ces nomades, à savoir l’élevage), nous comprenons que l’intérêt des touristes porté aux Bakhtiaris et leurs traditions permettrait à ceux-ci de leur redonner confiance; de les rendre plus fiers, plus enclins à perpétrer ce mode de vie si particulier… Malgré notre réticence à se faire offrir un tour contre de la publicité pour son agence, ses arguments en faveur d’un tourisme éthique et responsable semblent sincères… Nous finissons par accepter le deal proposé (après tout, l’expérience mérite d’être tentée!): réaliser un reportage photo et vidéo sur les Bakhtiaris, en échange d’un tour organisé de 5 jours.

Jour J, « à l’aventure! »

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Nous rejoignons notre guide et un groupe de touristes, venus d’Iran et d’ailleurs. Malgré la fatigue, nous ne tardons pas à faire connaissance et à partager notre enthousiasme commun pour l’aventure qui nous attend. Ensemble, nous prîmes la direction vers les hautes montagnes du Zagros, à la recherche de notre famille hôte – les sacs de randonnée pleins, les chaussures de trek au pied, les batteries de téléphone chargées à bloc. Nous n’avions aucune idée de ce qu’allaient être ces prochains jours; nous étions seulement prêts à vivre une expérience unique de migration avec de vrais nomades!

La première difficulté se présenta lorsque, arrivés au point de rendez-vous, au cœur des montagnes, il nous a été impossible de localiser notre famille hôte ni d’établir un contact avec eux… Comment communiquer avec ceux dont le parcours de marche semble tout aussi imprévisible que les conditions météorologiques? Heureusement, après avoir interpellé plusieurs nomades sur la route, notre guide fut capable de les retrouver… quelques kilomètres en amont. C’est donc au fond d’une vallée escarpée, près d’une rivière, que la famille d’Ali Mola (un homme Bakhtiari fier et traditionnel, dans sa cinquantaine) nous attendait: lorsque l’endroit s’apprête au pâturage des bêtes, les Bakhtiaris y installent leur campement et leur tente principale – une toile sombre qui absorbe la chaleur du soleil, tenue par des piquets en bois. A l’intérieur, on y trouve un ou plusieurs foyers de feu pour cuisiner et se réchauffer lors des soirées fraîches en montagne, ainsi que de grands tapis sur lesquels dorment et mangent les Bakhtiaris. Plus étonnement, ces nomades bâtissent également à l’intérieur une sorte de puits en pierres, dans lequel la matriarche place, à la nuit tombée, les agneaux et chevreaux nouveau-nés après la traite des mères. Une manière simple, mais efficace, de maintenir les plus faibles au chaud et à l’abri.

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Nous avions à peine fini de monter nos tentes que la nuit commençait déjà à tomber. Invités à dîner avec Ali Mola, sa femme et cinq de ses enfants, nous nous dirigeâmes vers la tente principale. Au menu du soir: thé, riz et doogh pour tout le monde! Le repas fini, la matriarche partit traire ses chèvres – dont le lait frais sera bouilli et transformé en yaourt après une nuit de fermentation – tandis qu’Ali Mola et ses fils se réunissaient autour de la petite station radio, écoutant attentivement les prévisions météorologiques et organisant leurs veillées respectives. Veillées? Nous n’en avions pas du tout conscience en arrivant, mais nous réalisons bien vite que le plus dur, dans une migration nomade, n’est pas la marche… mais bien de s’occuper des animaux. Car au vu du prix de la viande sur le marché, les vols en pleine nuit se sont multipliés. Sans compter les attaques d’ours qui, appris-t-on au détour d’une conversation, auraient emporté deux chèvres la nuit précédente… Les hommes et femmes Bakhtiaris n’ont donc pas eu d’autre choix que de s’équiper de fusils: si un intrus s’approche un peu trop près du troupeau, c’est le coup de feu assuré dans les mollets (tirer au-dessus du genou est interdit)! Les histoires de meurtres, de vendetta et de voleurs ne manquent donc pas au sein de la tribu Bakhtiari – des histoires que les hommes aiment à se raconter au coin du feu, une pipe à la main…

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Jour 2, « le concile »

L’orage de cette première nuit mis tout le monde sur pied à 6h: l’eau est venue infiltrer les tentes; les animaux se sont mis à greloter de froid (et ce, malgré l’épaisse fourrure des chèvres Angora) et le bois sec collecté pour le feu s’est retrouvé tout mouillé. Il a fallu attendre l’arrivée du soleil, dans la matinée, pour se réchauffer, faire sécher toutes nos affaires et décider pour la suite. Tandis qu’Ali Mola se réunissait en concile avec d’autres hommes Bahktiaris, afin de décider ou non d’une migration le lendemain (météo, manque de vivres, fatigue des bêtes…); la matriarche et ses filles se sont mises à façonner des galettes de pain, élément essentiel des repas nomadiques.

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On les a regardées, fascinés, manier habilement un rouleau à pâtisser tandis que les premières galettes cuisaient sur une sorte de dôme métallique placé au-dessus du feu. La matriarche, habillée de sa longue robe noire et de son voile laissant découvrir deux mèches de cheveux parfaitement bouclées, a beau être discrète – c’est quand même elle le pilier de la famille. Elle cuisine, monte les tentes, puise l’eau dans les rivières, trait les chèvres et charge/décharge les ânes régulièrement avec les lourds sacs contenant toutes les affaires du campement… Les femmes Bahktiaris, souvent non éduquées, sandales de mauvaise qualité trouées aux pieds, n’ont pas d’autre choix que de suivre leurs hommes (maris, fils, pères) en toute circonstance. D’ailleurs, en parlant d’hommes et de décisions, le concile du jour vient de trancher: demain, nous partons!

Jour 3, « faisons connaissance »

Malheureusement, le mauvais temps persistant en cette deuxième journée avec les nomades mettra fin à tout espoir de marche – une malédiction pour Ali Mola qui, en plus de 40 ans de migration, n’a jamais connu autant de pluie. Nous restâmes à l’abri, assis autour du feu, profitant de ce moment d’infortune pour interroger nos hôtes sur leurs habitudes de vie à l’aide de notre guide-interprète. « Dis-moi Ali Mola, ce n’est pas trop dur pour tes enfants? » « Non, car ils aiment être dans la nature, avec les animaux. Mon fils aîné est parti à Isfahan. Il n’a trouvé ni travail ni femme, et reste assis toute la journée devant la télévision…» Ses propos furent interrompus par un de ses jeunes fils. Dehors, sous les trombes d’eau, une chèvre venait de mettre bas. Dans ses bras, à moitié endormi, se tenait le nouveau-né (une femelle!) qu’il fallait désormais réchauffer. Ironie du sort, Ali Mola nous servit au dîner des brochettes de viande d’un jeune chevreau mâle qu’il avait lui-même sacrifié au couteau…

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Jour 4, « migration »

Le matin du lendemain, nous fûmes réveillés très tôt – non pas à cause du mauvais temps mais par le son de centaines de cloches, d’aboiements et de bêlements. Durant la nuit, les bêtes les plus téméraires avaient même tenté de sauter par-dessus nos tentes… N’existe-t-il pas une expression en français appropriée, « rendre chèvre »? Malgré nos traits tirés, nous n’aurons pas le temps de nous plaindre: après avoir avalé à toute vitesse un bol de yaourt frais et emballé nos affaires, il a fallu charger les ânes et nous mettre en route très rapidement – laissant derrière nous un champ de déchets, les Bakhtiaris n’étant absolument pas conscients des dégâts écologiques causés… Nous essaierons tant bien que mal de ramasser les boîtes de conserve, les sacs plastiques et les piles usagées jetées ça et là pour les déposer dans l’unique container du village le plus proche. Les hommes Bakhtiaris partirent en premier avec les chiens, les chèvres et les moutons. Vêtu de son gilet rayé, sarouel et chapeau noir, on observe Ali Mola marcher fièrement, avec son bâton de marche dans une main et fusil dans l’autre. Il empruntera avec ses fils et son troupeau les pentes escarpées et caillouteuses des montagnes du Zagros, que ces bêtes avec leurs sabots n’ont aucun mal à escalader. La matriarche et ses filles se mirent en route ensuite; elles dirigeront à pieds ou à dos de cheval, sur des sentiers plus adéquats, les quelques ânes portant nos affaires et les chevreaux nouveau-nés, trop faibles pour accomplir cette longue marche. C’est la fille aînée qui donnera l’impulsion, le rythme soutenu de la marche. Du haut de ses 19 ans, avec son fusil en bandoulière et son caractère affirmé, elle vient tout juste d’être mariée. Cette migration sera la dernière avec ses parents: à l’automne prochain, elle quittera les siens pour accompagner son mari.

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Peu habitués à une telle cadence, nous resterons la plupart du temps en retrait, profitant tout de même de notre position de bons derniers pour immortaliser en photos cette incroyable migration. Le passage des montagnes exceptionnelles du Zagros sous un soleil radieux nous fera presque oublier l’eau glacée de la rivière Bozoft qu’il aura fallu traverser à pieds et les 15 bons kilomètres parcourus jusqu’à l’arrivée. Nous terminerons cette journée éprouvante bien mieux que nous l’avons commencée: après une douche improvisée sous une petite cascade, un repas plus consistant nous attendra au coin du feu; et nous profiterons d’une nuit beaucoup plus calme, sous un ciel parfaitement étoilé.

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Jour 5, « retour à la civilisation »

Après de brefs adieux, nous laissons notre famille hôte disparaître au loin, dans les montagnes, avec pour seul écho le bruit des sabots, des cloches, des sifflements et des cris d’animaux. Il leur faudra une bonne dizaine de jours supplémentaires pour atteindre leur destination finale… Quant à nous, il nous faudra plusieurs heures de transports pour rejoindre la métropole, et quelques jours de repos pour nous réadapter et nous remettre complètement de cette folle aventure (et d’une bonne gastro, résultat d’une contamination probable avec l’eau non purifiée de la rivière Bozoft). Une chose est certaine: nous ne sommes pas près d’oublier ce que nous avons vécu avec les Bakhtiaris!

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Notre documentaire promotionnel pour l’agence Nomad.tours

Contact: agence Persia Nomad tours

* Article rédigé d’après notre expérience personnelle *

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