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Les « begpackers », un problème d’amalgame

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Photos issues d’un article de France24. Collage réalisé par nous-même.

Un nouveau phénomène émerge en Asie du Sud: des touristes « blancs occidentaux » feraient la manche pour financer en partie leur voyage, soit en vendant des cartes postales, en jouant de la musique, ou en brandissant une pancarte racoleuse. Ces voyageurs-mendiants sont appelés Begpackers, jeu de mots entre beg (supplier) et backpacker (routard en sac à dos). Si on ne cautionne pas cette pratique, on a voulu aussi nuancer le débat crée par des articles de médias lourds de jugements et d’amalgames.


Un jugement hâtif

Lorsque l’on tape le mot « begpackers » dans un moteur de recherches, des centaines de résultats s’affichent: on y trouve des articles de presse, de blog, des commentaires ou des tweets – et tous, ou presque, témoignent de réactions plutôt négatives à propos du phénomène. Et c’est bien dommage, car ces articles (souvent en quête de sensationnalisme) ne s’attardent jamais sur le fond, mais toujours sur la forme…

« Des personnes blanches aperçues en train de mendier de l’argent en Asie du Sud-Est? C’est forcément des begpackers, des jeunes touristes profiteurs qui ne manquent de rien, excepté de respect envers les pauvres locaux qui n’ont pas un niveau de vie très élevé ».

On a là un bel exemple de phrase réactionnaire, mélangeant à la fois du mépris, du jugement hâtif et beaucoup de clichés. Tout d’abord, sous quelle forme les personnes ont-elles mendiées (attente passive avec un carton? vente de petits objets fait main? musique?…) et pour quelles raisons l’ont-elles fait (gros soucis en voyage et impossibilité de se faire aider financièrement par de la famille/des amis? art de rue considéré comme un gagne-pain? enrichissement personnel? défi? etc)? Peut-on vraiment affirmer, sans les connaître, que ces touristes sont riches dans leur pays, qu’ils ne manquent de rien? Habiter un pays moins développé signifie-il forcément que les locaux sont des gens moins riches?…

Les « begpackers », ces touristes qui font la manche en Asie du Sud-Est (France24 – françaisenglish)

L’argent, le nœud du problème

Les personnes critiquant vigoureusement les begpackers ont souvent une vision conformiste du voyage: avion, hôtels, agences touristiques, guides… C’est à dire un mode de voyage qui représente un coût certain pour le voyageur. Seulement, ils oublient que certains voyageurs ne voyagent pas dans le même état d’esprit, et préfèrent camper plutôt que d’aller à l’hôtel, récupérer des invendus pour se nourrir plutôt que d’aller au restaurant, ou créer des œuvres artistiques dans la rue plutôt que de rester assis derrière un ordinateur. La diversité de l’Homme se retrouve aussi parmi les voyageurs: il n’y a pas qu’une seule façon de voyager!

Que l’on soit bien d’accord: nous pensons aussi que voyager est un luxe – mais pas tout à fait de la même manière que ces articles l’entendent. Ce que nos années de voyage alternatif avec très peu d’argent nous ont apprises, c’est bien que l’argent n’est pas le facteur limitant Mais le passeport, si! Or les articles traitant du sujet begpackers décrient ce phénomène partout en Asie du Sud-Est – alors qu’il s’agit d’un phénomène mondial, touchant également des pays développés (nous avons vu un begpacker en Bulgarie, et un autre voyageur nous a rapporté avoir vu des begpackers à la station Châtelet à Paris). Rappelons aussi que le phénomène begpackers touche aussi Singapour, une cité État d’Asie du Sud-Est très riche dont le salaire moyen / médian et le classement de leur passeport sont plus élevés qu’en France… L’argument du « manque de respect envers les pauvres locaux » ne manquera pas de nous faire sourire!

Accusés de quémander de l’argent pour leur voyage, ces deux Occidentaux agacent les Singapouriens (France24 – français)

Un amalgame facile

Nous avons été assez surpris de constater que la plupart des articles sur le sujet ne fait aucune différence entre un voyageur mendiant avec son carton « aidez-moi à financer mon voyage », un musicien qui joue dans les rues ici ou ailleurs, et un voyageur nomade proposant un quelconque objet/service à la vente. À nos yeux, il y a pourtant une différence de taille: un musicien de rue doit pouvoir vivre de son art, peu importe le pays où il se produit – à Paris d’ailleurs, personne ne l’aurait jugé: soit son talent aurait été apprécié et encouragé par des donations, soit il aurait été ignoré mais jamais blâmé. Après tout, les « mendiants » ne forcent la main à personne et si quelqu’un consent à leur donner un peu d’argent, c’est toujours de plein gré, peu importe le pays dans lequel on se trouve!

Begpacking: why I refuse to judge westerners busking to fund gap year travels – « pourquoi je refuse de juger les occidentaux faisant de l’art de rue pour financer leur voyage » – (Independent – english)

Pour autant, nous ne soutenons pas les begpackers, loin de là. Nous sommes conscients que parmi les begpackers il n’y a pas que des artistes aux bonnes intentions, que des voyageurs prêts à échanger un service (ou un objet fabriqué main) contre une petite rémunération leur permettant de se nourrir puis continuer leur vie nomade; il y a aussi des begpackers qui mendient pour obtenir de l’argentet continuer à voyager confortablement. On comprend mieux, même si nous ne les tolérons pas, d’où naissent les amalgames et pourquoi une majorité de personnes critique les begpackers, tant l’image renvoyée par ces voyageurs immatures reste peu flatteuse… Ces begpackers-là n’ont pas conscience de la chance qu’ils ont à se déplacer facilement à travers le monde, à l’inverse de certains locaux croisés sur leur route. Ces begpackers-là n’ont pas non plus conscience qu’en vendant des objets à la sauvette en Asie du Sud-Est pour se payer des hôtels ou des tickets d’avion, ils entrent en concurrence avec des locaux qui vivotent aussi de cette façon pour se nourrir et nourrir leur famille. Et ils n’ont pas conscience que leur pratique (mendier avec panneau, chanter dans la rue etc) peut offenser les locaux, parce que cela ne rentre pas dans les coutumes du pays en question… Non, ces begpackers-là sont bel et bien enracinés dans un système centré sur l’argent, où celui-ci va servir à financer des choses qui ne sont pas vitales. En Malaisie, de jeunes parents russes n’ont pas hésité à balancer leur bébé dans les airs, en guise de spectacle… Cela se passe de commentaires.

Des touristes mendient pour voyager en donnant leur bébé en spectacle (France24 – français)
L’Indonésie et la Thaïlande ne veulent plus des « begpackers » (Le Monde – français)

Là où on veut en venir, c’est que ce type de begpackers ne font que demander et prendre, à l’inverse d’autres routards qui voyagent dans l’échange et trouvent des alternatives à l’argent, comme nous ou Maxime, un voyageur alternatif à très petit budget qui donnait des cours de français à Hong Kong en échange de repas. Heureusement, les begpackers immatures sont une infime minorité parmi les voyageurs rencontrés sur la route, qui eux préfèrent aller à la rencontre des locaux, pratiquer l’échange humain et l’entraide, dans le respect et l’adaptabilité.

 

Prend du recul, évite les amalgames!

Voyager sans argent: bonne ou mauvaise idée?

* Article rédigé d’après notre expérience personnelle *
 
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