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Au revoir, Couchsurfing

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Article mis à jour le 06 Août 2020

Mai 2020. Alors que la plupart des frontières sont encore fermées et les voyageurs confinés, une terrible nouvelle vient ébranler la communauté des voyageurs alternatifs: le réseau d’hospitalité Couchsurfing oblige ses membres enregistrés dans les « pays développés » à payer l’accès à leur profil – sans concertation, ni notification des principaux concernés. Une décision qui nous a poussé à nous interroger sur l’avenir du réseau…


Qu’est-ce que Couchsurfing?
 

Couchsurfing est un réseau social sur Internet permettant de mettre en relation des voyageurs et des locaux désirant se rencontrer et s’héberger gratuitement (voir la rubrique “à propos” du site). Depuis sa création, ce réseau social est devenu tellement populaire parmi les voyageurs que le mot « Couch-surfing » (en anglais, surfer sur le canapé) est passé dans le langage courant. Selon la page « à propos », le site compterait pas moins de 12 millions de membres à travers le monde!

À l’origine, un réseau de bénévoles

Couchsurfing a été crée en 2004 sur une idée d’un jeune voyageur américain, Casey Fenton. Avec l’aide de trois autres entrepreneurs, Casey fonde le réseau d’hospitalité – qui devient rapidement un succès, comptabilisant presque 90 000 membres inscrits deux ans plus tard, en 2006. Côté technique, l’accumulation de bugs (dû à la popularité du site) a débouché sur une vague de solidarité, avec plusieurs milliers de bénévoles à travers le monde venus aider à coder, sécuriser les données, traduire, développer le site – mais également à le faire connaître localement, grâce à des évènements et le bouche-à-oreille. Les coûts relatifs au site et le salaire de Casey Fenton étaient alors pris en charge par des donations… Jusqu’en 2011, où l’organisation est devenue une entreprise à but lucratif. Cette transformation a permis à des investisseurs d’injecter plusieurs millions de dollars, dans ce qu’ils décrivent comme une alternative sérieuse à AirBnB, d’embaucher du personnel, d’ouvrir des bureaux. Pour générer plus d’argent, le site s’est doté d’un système de « comptes vérifiés » (comptes payants), et de bannières publicitaires pour les comptes gratuits. Malgré plusieurs scandales (plainte pour agression sexuelle perpétrée par un membre de l’équipe dirigeante sur deux volontaires, suspicion de détournement de fonds, profils de membres actifs supprimés sans sommation pour avoir émis des critiques ou mentionné d’autres réseaux d’hospitalité, etc.) et le départ de Casey Fenton, l’entreprise a continué à grossir. Quand aux milliers de bénévoles qui ont participé gratuitement au développement du site à ses débuts, la plupart sont partis, reprochant aux dirigeants de faire du profit grâce à un site qui n’aurait pas pu exister sans leur contribution…

Des reproches et des explications officielles peu convaincantes

Aujourd’hui, pour accéder à notre profil (et toutes les données associées), le site nous oblige à payer une contribution financière – fixée à 2.39$/mois ou 14.29$/an aux États-Unis, 2.39€/mois ou 14.29€/an en France. Une méthode peu éthique, qui nous a beaucoup posé question…

Et visiblement, nous n’étions pas les seuls à nous indigner: face au tollé général, l’entreprise a publié un communiqué intitulé « Nous vous entendons » (à retrouver sur le blog du site officiel, en anglais). Seulement, beaucoup des points soulevés ne nous ont pas du tout convaincus: 

2) Less than 4% of our active members financially contributed –
Moins de 4% de nos membres actifs ont contribué financièrement

Qu’entendent-ils par membres actifs? S’agit-il de l’ensemble des membres inscrits – ou seulement des membres actifs? Car la différence est de taille: en 2018, sur 15 millions de membres, seulement 400 000 étaient des hôtes actifs. Si 4% de 15 millions est effectivement très négligeable, 4% de 400 000 l’est beaucoup moins… Cet ancien utilisateur du site a d’ailleurs sorti la calculette: si on considère qu’il y avait autant de surfers que d’hôtes actifs en 2018, cela reviendrait à environ 32 000 comptes vérifiés. Et à 30$ la contribution moyenne, cela reviendrait à un gain d’au moins 960 000$ par an… Et ce, sans compter les revenus publicitaires pour les profils gratuits!

8) Couchsurfing was NEVER a 501(c)(3) non-profit –
Couchsurfing n’a jamais été une organisation à but non lucratif dite 501(c)(3)

Aux États-Unis, une organisation à but non lucratif peut se placer sous le régime 501(c)(3) du Code fiscal américain, afin de bénéficier d’une exonération fiscale. Les organisations à but non lucratif dites 501(c)(3) sont des organisations caritatives publiques, ou des fondations privées. Si il est vrai que l’organisation n’a jamais obtenu ce statut (malgré une vaine tentative), la présence de milliers de volontaires, de dons et d’un nom de domaine en .org attestent bien de la nature « non lucrative » du réseau avant 2011. L’organisation aurait pu obtenir le statut 501(c)(7) selon les autorités fiscales américaines (voir page 139 de ce document en ligne); au lieu de quoi, les dirigeants ont préféré transformer l’organisation en entrepreise à but lucratif.

17) If you purchased Verification we are not asking you to contribute for one full year from now –
Si vous avez payé pour un profil vérifié, nous ne vous demandons pas de payer pour une année complète à partir d’aujourd’hui

Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que les personnes ayant payé pour un profil vérifié sur un an (ou à vie) ont un accès gratuit à leur profil jusqu’en Mai 2021 – ce qui signifie qu’au-delà, ils devront payer à nouveau

CouchSurfing will never make you pay to host and surf. It’s against our vision […] and that’s not going to change just because our methods of generating revenue do –
Couchsurfing ne vous fera jamais payer pour héberger et surfer. C’est contre notre vision […] et cela ne va pas changer juste parce que nos méthodes de générer des revenus changent.

Communiqué officiel de 2011: https://blog.couchsurfing.com/a-new-era-for-couchsurfing/

Il ne leur a pas fallu 10 ans pour changer d’avis, visiblement!

Les membres Couchsurfing se mobilisent

À l’initiative de Maxime, un voyageur alternatif et membre actif de Couchsurfing, un groupe Facebook « Save Couchsurfing » et une pétition ont été crées, afin d’obtenir plus de transparence sur l’organisation et les finances de l’entreprise (aucune donnée disponible concernant le chiffre d’affaire, l’actuel dirigeant, etc). Anciens bénévoles, nouveaux membres et membres de longue date se sont joints ensemble pour tenter d’ouvrir le dialogue – aidés de quelques employés de Couchsurfing. Au final, ce projet a échoué car les dirigeants de l’entreprise ont refusé de discuter davantage avec la communauté. 

Depuis, les membres actifs du groupe Facebook NOMADS ont créé une plateforme de promotion croisée pour les réseaux d’hébergement gratuits et à but non lucratif, afin de rassembler, sous la forme d’un répertoire, les profils d’hôtes et surfers potentiels de toutes les plateformes d’hébergement gratuites. N’hésite pas à rejoindre ce groupe!

Au revoir, Couchsurfing

Face à cette situation, nous avons pris une décision: celle de dire « au revoir » à Couchsurfing. Dire « au revoir » signifie que nous ne fermons pas la porte: peut-être que l’on y reviendra, si le projet « Save couchsurfing » abouti au rachat de l’entreprise pour fonder une co-op, ou si Couchsurfing redevient une organisation gratuite, ouverte à tous, fonctionnant sur donations – sur le même modèle que Wikipédia, par exemple.

À ceux qui nous disent:

  • C’est un prix honnête, cela permet aux employés de vivre
  • Je ne comprends pas pourquoi tout le monde râle pour moins de 3€/mois
  • Vous avez les moyens de payer
  • Vous êtes ingrats, vous oubliez toutes les belles expériences que vous avez vécues avec Couchsurfing…

On aimerait insister sur le fait que le problème n’est pas la somme demandée; mais plutôt la méthode utilisée pour forcer des membres à payer, le manque total de transparence et l’absence de reconnaissance envers les bénévoles et toute la communauté qui a permis à Couchsurfing d’exister. Car il ne faut pas oublier que le principe de couchsurfing repose sur un échange culturel gratuit, non monétisé… 

Quand à nous, on se donne rendez-vous sur d’autres plateformes alternatives telles que Trustroots et BeWelcome (plateformes officielles), Host a Sister et NOMADS Hospitality Networks (groupes Facebook) – des plateformes libres et gratuites, en lesquelles nous avons pleinement confiance!

En savoir plus sur l’hébergement alternatif!

Liens utiles:

  1. « La mort de Couchsurfing »: un résumé de la situation
  2. « La mort de Couchsurfing »: le point de vue d’un membre actif depuis 2010
  3. « Est-ce vraiment la fin de Couchsurfing? »: l’histoire et quelques estimations des revenus de Couchsurfing, par un ex-membre
  4. « Cas d’étude sur Couchsurfing.org »: la thèse d’un étudiant américain sur le développement de ce réseau
  5. « En quoi Trustroots est différent de Couchsurfing »: un article transparent sur les différences et les coûts de Trustroots

* Article rédigé d’après notre réflexion et expérience personnelles *

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