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Sweet, de l’Afghanistan à l’Europe

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C’était un jeudi ensoleillé. Nous venions juste d’arriver à Belgrade (Serbie), et le beau temps nous a décidé à manger dehors. Assis sur un banc dans le petit parc face à la gare centrale, sandwich à la main, nous contemplions des scènes de vie, des gens parler, marcher, rigoler. Et puis, lorsque nous nous sommes levés du banc, deux jeunes aux traits orientaux nous ont interpellés en anglais: « Pouvons-nous vous prendre en photo? » ont-ils demandé en montrant nos sacs et notre carton, sur lequel nous avions dessiné la Tour Eiffel. « Bien sûr! Vous habitez ici, à Belgrade? » Silence. « Non… nous venons d’Afghanistan ». Nous avons alors réalisé… « Êtes-vous des réfugiés? » « Oui ».


L’histoire de Sweet

Nouveau silence. On avait envie d’en savoir plus, ils avaient envie de nous en dire plus. Il nous a fallu moins d’une seconde pour écrire un nouveau chapitre de notre voyage: « Pouvez-vous nous montrer où vous logez? Et est-ce que vous voulez bien… nous raconter votre histoire? » Cette fois-ci, le «oui» était beaucoup plus enthousiaste! Direction la gare, plus exactement vers les anciens entrepôts abandonnés, toujours debout derrière un parking. Nous nous sommes assis avec l’un de nos deux nouveaux amis, dans un coin tranquille de ce quartier ouvert pour entendre parler de son histoire:

Sweet (son surnom) était étudiant de seconde année en économie au Pakistan – parce que l’éducation est meilleure au Pakistan qu’en Afghanistan nous dit-il. Une de ses sœurs, mariée, l’hébergeait au Pakistan tandis que sa famille (ses parents et ses 5 frères) vivent encore en Afghanistan. Son quotidien était rythmé par les cours du matin, les entraînements de cricket l’après-midi et les devoirs le soir. Il adore écouter de la musique et voir des films Bollywoodiens! Et puis un jour, un groupe de Talibans a fait irruption dans son université. Ils voulaient recruter tous les garçons afin de combattre l’ennemi « de l’ouest ». 

Sweet ne pouvait pas se résoudre à rejoindre les Talibans et a commencé à avoir peur pour sa propre sécurité. Nous avons entendu dire, par les autres réfugiés, que leurs amis ayant refusé de rejoindre les Talibans ont tout simplement été tués. Sweet a alors pris la décision de fuir le Pakistan et l’Afghanistan pour rejoindre l’Irlande, où vit un de ses cousins. Ses parents l’ont encouragé dans sa décision de partir, et continue encore d’envoyer de l’argent pour aider leur fils à financer son voyage. Ils ne sont pas du tout au courant de ce que Sweet a enduré: parti à 18 ans avec quelques affaires, de l’eau et de la nourriture (mais pas de papier d’identité), Sweet a marché à travers l’Iran, la Turquie, la Bulgarie (utilisant quelquefois le train) pour finalement se retrouver bloqué en Serbie. Il a essayé plusieurs fois de traverser la frontière; une fois pour passer en Roumanie où il a été enfermé 3 mois dans un camp fermé pour réfugiés. Il se rappelle d’une mauvaise expérience assez similaire en Bulgarie, mais en pire: les policiers bulgares sont venus frapper quelques refugiés et personne n’était autorisé à sortir du camp pour « des raisons de sécurité ». Sweet n’a jamais imaginé que l’Europe puisse enfermer des gens qui souhaitent simplement échapper à la guerre et à l’horreur. Après tout, comme il le dit, nous sommes tous humains aspirant à une vie décente – un toit, un travail et une vie tranquille. Il a finalement pu quitter le camp de réfugiés en Bulgarie après avoir donné ses empreintes digitales – ce qui signifie que si un policier l’arrête en Europe, il sera forcé de retourner dans un camp fermé en Bulgarie.

Finalement de retour en Serbie (à Belgrade), il se sent plus libre dans le squat, marchant dans la ville, visitant Belgrade sans aucune répression. Peut-être qu’il retentera demain de passer en Europe via la frontière croate – sa 11ème tentative. Peut-être qu’un jour, il parviendra à atteindre l’Irlande pour retrouver son cousin et finir ses études en économie, son plus grand rêve! Et lorsque nous lui demandons si s’adapter à la culture européenne ne sera pas trop difficile pour lui, Sweet nous répond que cela ne sera pas un problème – en réalité, Sweet est très ouvert d’esprit!

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Le projet « Water Front »

Comme nous l’avons appris, les réfugiés sont bloqués aux portes de l’Union Européenne. La Hongrie a même construit un mur à sa frontière avec la Serbie (Trump n’a donc rien inventé!). Tu peux chercher sur Internet « les refugiés de Belgrade » ou « mur Hongrie » pour trouver plus d’informations sur cette situation. Dans le squat de Belgrade, on recense environ 1000 réfugiés hommes qui préfèrent rester ici plutôt que d’être enfermés dans un camp officiel. Ils sont pour la plus part jeunes, venant d’Afghanistan et du Pakistan. Selon nos sources, les réfugiés syriens sont en majorité détenus en camps officiels. Nous avons eu l’opportunité de prendre des photos avec l’accord des concernés – pour des raisons éthiques et de sécurité, et comme le squat ne doit pas être considéré comme un zoo humain, les photos ne doivent pas montrer les visages et être utilisées à des fins commerciales. Malheureusement, de nouvelles constructions (appelées « Water Front ») s’apprêtent à voir le jour et menacent l’avenir du squat.

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Le projet Water Front
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Séance de sport
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Les volontaires

Le quotidien de Sweet

En entrant dans ce gigantesque squat du centre-ville (impossible de le manquer), les gens nous ont accueilli avec le sourire, bienveillants. Quelques-uns d’entre eux, comme Sweet, sont venus nous parler avec un bon niveau d’anglais. En 3 jours, nous ne nous sommes jamais sentis en insécurité, ni pour nous ni pour nos affaires. Nous avons découvert des gens qui se reposaient à l’intérieur d’anciens bâtiments abandonnés de l’ancienne gare ferroviaire, certains dormant dans des voitures ou des wagons (des lieux non isolés) où nous avons trouvé de l’eau infiltrée de la dernière averse de pluie. Pour Sweet et ses compagnons d’infortune, la vie continue comme ils le peuvent: parties de cricket (le sport national dans leurs pays), cuisine au feu, discussions, lessives, rasages, eau mise à bouillir… Seul un point d’eau était disponible pour eux, et nous avons aperçu un second point d’eau au milieu des rails où les réfugiés se lavaient. Nous étions également surpris de voir que quelques-uns d’entre eux payaient l’auberge à proximité de la gare pour avoir une douche, ou directement de la nourriture plutôt que de faire la queue pour récupérer un repas distribué par les organisations – ces réfugiés-là ont une famille qui les aident financièrement, grâce à des transferts d’argent « Western Union ». Le squat est toujours sale, jonché de déchets, et les réfugiés n’ont pas de confort ou une bonne hygiène (la plupart d’entre eux dorment directement sur le sol).

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À l’intérieur du wagon
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Notre expérience du volontariat humanitaire

L’hiver dernier a été très dur, avec des températures qui sont descendues jusqu’à -20°C. Même pour ceux vivant à l’intérieur des baraques, il n’y a aucune isolation et les fenêtres sont cassées… Heureusement, quelques organisations sont venus à leur secours et leur ont fourni des couvertures, des tentes, des produits de première nécessité. Nous avons vu quelques organisations distribuer des thés chauds, des bananes, des soins, et même des cours de sport! Nous avons également rencontré 2 français avec une portuguaise, aidant volontairement, pour nettoyer le squat (association lovehope).
Nous les avons aidés, c’était notre première expérience dans le volontariat humanitaire. Pour ce genre d’aide, nous devions toujours faire participer les réfugiés aux tâches plutôt que de laisser les organisations s’occuper du ménage. Même si certains étaient déprimés à cause de leur quotidien et de la distance avec leur famille, ils nous aidé à tout nettoyer avec plaisir! On peut déplorer le manque d’organisation générale, avec plusieurs petites organisations travaillant chacune de leur côté, sans aucune coordination de la part des organisations officielles. Si tu souhaites les aider, n’hésite pas à les contacter directement, ou faites comme nous: rend-toi directement sur place! Notre impression finale après 3 jours passés à aider les migrants? Nous avons vraiment ressenti que ces personnes réfugiées ne voulaient pas de notre pitié, mais juste pouvoir passer des frontières pour se bâtir un avenir meilleur.

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Partie de cricket

La solidarité, pas la charité

 
« La solidarité, pas la charité »
 

C’est le meilleur message que nous avons appris et que nous avons voulu partager ici. Ils ont besoin d’aide pour mener une vie normale; tous les jeunes que nous avons rencontrés n’ont qu’un rêve: terminer leurs études en toute sécurité, et trouver un emploi… Ils n’ont pas besoin d’argent! Nous n’oublierons jamais le courage de ces personnes.

 

[EDIT] Le 5 juin 2017, des volontaires nous ont rapporté que le squat avait été totalement détruit: les autorités serbes ont envoyé les migrants restants au sein de camps officiels; et l’opération de destruction a duré en tout et pour tout… 2 heures! Cette expulsion a pris tout le monde par surprise, y compris les ONGs travaillant sur place.

Quand à Sweet, il a réussi à s’échapper de Belgrade. Au moment où nous écrivons ces lignes, Sweet se trouve désormais… quelque part en France! 

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* Article rédigé d’après notre expérience personnelle *

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